Définition de ÉBLOUIR

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : é-blou-ir

DÉFINITIONS

1
Frapper les yeux par un éclat qu'ils ne peuvent soutenir. Le soleil m'éblouissait.
Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi
2
Sémantique : Fig. Produire sur les yeux de l'esprit le même effet qu'une lumière trop vive sur les yeux du corps.
Mais n'espère non plus m'éblouir de parjures
de Pierre CORNEILLE dans Cinn. IV, 6
Ils ont été éblouis de cette somme
De quelque côté que je suive les traces de sa glorieuse origine, je ne découvre que des rois, et partout je suis ébloui de l'éclat des plus augustes couronnes
Tout éclairée qu'elle était, elle n'a point présumé de ses connaissances, et jamais ses lumières ne l'ont éblouie
Cette nouveauté éblouit les yeux du peuple
Sans se laisser éblouir par le bonheur des événements
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib. III, 6
L'admirable Julie ne se laissa point éblouir à l'éclat des dignités du siècle
Ce jour, ce triste jour frappe encor ma mémoire, Où Néron fut lui-même ébloui de sa gloire
Mes promesses aux uns éblouirent les yeux
de Jean RACINE dans ib. IV, 2
Inventez des raisons qui puissent l'éblouir
Veulent-ils m'éblouir par une feinte vaine ?
Tantôt m'éblouissant de tes riches trésors
Il croyait m'éblouir par ses promesses
Fortune dont la main couronne Les forfaits les plus inouïs, Du faux éclat qui t'environne, Serons-nous toujours éblouis ?
Nature : Absolument.
Le monde n'éblouit jamais tant que quand on le voit de loin sans l'avoir jamais vu de près et sans être prévenu contre sa séduction
Promets, donne, conjure, intimide, éblouis
3
S'éblouir, Nature : v. réfl. Se laisser fasciner, étourdir, enorgueillir.
Je n'ose m'éblouir d'un peu de nom fameux
Je ne m'éblouis point de cette illusion
de Pierre CORNEILLE dans ib. III, 2
Moi, je m'éblouis moins de la splendeur du rang
Il se possède assez pour ne pas s'éblouir de son bonheur
Je l'ai vu s'éblouir, je l'ai vu s'ébranler

REMARQUE

1
1. Bossuet a dit se laisser éblouir par des sons :
Ne nous laissons pas éblouir par un son confus de paroles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans III, Écrit.
2
2. Éblouir, mot si ancien dans la langue et si usité dans tous les temps, manque, chose singulière, dans la 1re édition du Dictionnaire de l'Académie.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Nient plus qu'on puet el solel esgarder, Pour che que trop en esbloïst li rais
de MÄTZNER dans p. 21
Il sont tot esbloï aussi comme li ors [l'ours]
de RUTEBEUF dans 233
2
XIVe s.
Tant fu surprise, au cuer, d'amour qui la maistrie ; La veüe lui trouble, si fu toute esbleuie ; Quant descendre cuida, à terre chiet [tombe] flastrie
dans Baud. de Seb. II, 910
3
XVe s.
Car quant vostre beauté luira Sur moi, si fort esbloira Mes yeux, que je ne verrai goutte
de Charles D'ORLÉANS dans Bal. 50
Je voy faucon quant il gette sa croe, Et lanneret, que pluseurs sont si mos [mous], Qu'il faillent bien ; car le temps les esbloe
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 229, dans LACURNE, au mot lanneret.
4
XVIe s.
Qui a vu un clair soleil tout à coup estre esbloui et obscurci d'une espaisse nuée
de Jacques YVER dans p. 630
Laquelle tempeste donnoit aux barbares par devant, leur battant les visages, et leur esblouissant les yeux
de Jacques AMYOT dans Tim. 38
Il lui vint une taie sur les yeux qui lui esblouit la veue
de Jacques AMYOT dans ib. 49
Il trouva Antonius preschant les soudars, et eulx tous esblouis et attendris par la douceur de son eloquence
de Jacques AMYOT dans Mar. 81
Le peuple se prit à crier si fort, qu'un corbeau, volant à l'instant par dessus, s'en esblouit et tomba emmy la presse du peuple
de Jacques AMYOT dans Pomp. 39
Un langage elegant et brave esblouit les oreilles de l'escoutant, qu'il ne puisse sainement juger de ce qu'il signifie

ÉTYMOLOGIE

1
Es- préfixe, et un radical qui est aussi dans le provençal, em-blauzir, étonner, d'origine incertaine. On a proposé bleu : faire bleu devant les yeux ; il est certain qu'au quatorzième siècle on a dit esbleuir. Mais Diez objecte que bleu, de l'allemand blau, n'aurait pas pris un z en provençal pour éviter un hiatus (et, en effet, blavenc, blaveza, etc. dérivés de blau, et non pas blauzenc, blauzeza, etc.). Il se range donc de l'avis de Grandgagnage, qui indique l'ancien haut allemand blôdi, interdit, incertain. Il faut noter esbloer, qui indique plutôt bleu que l'allemand blôdi. Y aurait-il deux thèmes qui se seraient confondus dans le français esbloir, l'un français, l'autre provençal ; l'un esbleuir, esbloer, l'autre emblauzir ?

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
ÉBLOUIR. - HIST. Ajoutez : XIIe s.
Puis le font [un chalumeau] par dehors tout de fin or brunir ; Quant li solaus reluist, tous le fait esclarcir, Que tos cex qui l'esgardent fait les ex [yeux] esbleuir
dans Roman d'Alix. p. 446
Mais, ains que il venist as tantes, Voloit une route de gantes [oies sauvages] Que la nois [neige] avoit esbleuies
dans Perceval le Gallois, V. 5549

Synonymes de ÉBLOUIR

Termes proches de ÉBLOUIR